Les arbres nous fascinent et nous inspirent depuis toujours et ont donné naissance à de magnifiques poèmes.
Et, si, en ces temps confinés, vous preniez vous aussi votre plume pour rédiger un poème sur l'arbre pour le partager avec Carnuta et tous nos lecteurs. Ces poèmes seront visibles sur notre site internet et nous pourrons citer votre nom ou garder votre anonymat.
Amateurs ou confirmés, tous à vos plumes ! Vous pouvez nous envoyer vos poèmes par mail.
L’arbre porte en lui une écriture. Ces cernes de croissance nous racontent l’histoire des événements climatiques qu’il a connus.
L’arbre est aussi lié au livre puisque jadis, son écorce était détaché « pour en faire une surface en attente du texte ». Puis, c’est de l’arbre que vient la pâte à papier.
L’arbre a une présence forte, au point qu’il peut, comme le suggère l’expression bien connue, « cacher la forêt ». Il s’élève dans sa singularité, sa majesté et son élégance.
S’il nous fascine, c’est aussi par sa longévité, jusqu’à quatre mille ans. C’est pourquoi, il suscite une méditation sur le temps et la mémoire.
Passeur de temps, l’arbre créé aussi un lien entre ciel et terre. Dans son texte intitulé « Sérénité » , Martin Heidegger évoque le besoin de racines. Un arbre en bordure du chemin lui inspire ses réflexions : « C’est à partir des profondeurs du sol natal que l’homme doit pouvoir s’élever dans l’éther », « le domaine ouvert de l’esprit ».
Mais sans humus, pas de racines. C’est la couche superficielle où se décomposent les éléments
qui vont nourrir l’arbre, là où s’opère la transformation de tout ce qui pourrit pour alimenter la régénération, et notamment les feuilles mortes, qui émerveillaient Thoreau et Proust.
C’est là le lieu de l’échange entre terre et ciel, la fine bordure entre la vie et la mort.
"Observer une plante engendre la sérénité. C'est le temps lui-même qui apparaît...(et) nous permet de renouer avec le rythme temporel paisible qui est celui de notre enfance."
(Extrait Francis Hallé - Eloge de la plante pour une nouvelle biologie)
Le peuplier
Le temps est-il ce peuplier
Que j'interroge à ma fenêtre ?
Comme moi, il a ses saisons,
Ses songes renaissant
D'une mémoire paysanne,
Mais sa durée est compromise
Par les tempêtes enivrées
Que lui réservent les automnes.
A quelle altitude céleste
Portera-t-il le poids de ses années
A mon réveil je le salue :
Il me répond
Par une danse dans le vent.
Je lui propose un long voyage
Dans la campagne des ancêtres :
Il me répond par le gémissement
De ses racines fatiguées.
Edmond Vandercammen
Poète belge (1901-1980)
Le chemin de l'ormeau
J'ai rencontré l'ormeau.
Pas un ormeau célèbre,
Mais un ormeau sans ex-voto,
Tournant le dos à la route des hommes.
Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme,
Quelqu'un l'a-t-il jamais serrée entre ses bras ?
Nous l'avions mesurée avec un fil de soie
La colonne de bois qui ne s'arrête pas
De grossir en silence.
Mais grossir - qui jamais voit grossir un ormeau ?
Tant de jours et de nuits , tant de soleil et d'eau,
De paix, d'oubli, de chance...tant et tant !
Entre les émondeurs, les chenilles, l'autan,
J'ai rencontré la Patience
Sabine Sicaud
Poétesse française (1913-1928)
Noir de soute et de vent, de sommeil et de poudre
Près de ses femmes aux dents blanches.
Apaise le délire ordonné des étoiles,
Des nuages ailés filant entre les cimes,
Forêt. Apaise-moi de ton silence amer
Et de tes grondements soupirs et tes rumeurs,
Forêt terrestre, maternelle,
Forêt de mes ancêtres et forêt de mes vœux
Qui ne t'auraient jamais imaginée plus belle.
Forêt de mes enfances, ô forêt batracienne
Ô forêt palmipède, ô forêt des plumiers,
Toi, roucoulante de ramiers,
Déchirée de drames intimes
Je te porte en mes yeux, je t'écoute en mon cœur,
Forêt inapaisée, tourment qui n'a de cesse
Mélodieux martyre éternité du vent
Forêt sacrée, mourant et renaissant
Sous ses caresses déchirantes...
Bloc d'ombre et de sommeil et de mélancolie,
Pèse sous un ciel lourd bousculé d'embellies.
Maurice Fombeure
Poète français (1906-1981)
Il était une feuille
Il était une feuille avec ses lignes -
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur -
Il était une branche au bout de la feuille -
Ligne fourchue signe de vie
Signe de chance
Signe de cœur -
Il était un arbre au bout de la branche -
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur -
Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l'arbre -
Racines dignes de vie
Vignes de chance
Vignes de cœur -
Au bout des racines il était la terre -
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.
Robert Desnos
Poète français (1900-1945)
Mon vieux chêne
Je me suis adossé au pied de mon vieux chêne
Dont le cœur s’est brisé par l’usure des ans
Et j’ai senti monter en moi comme une peine
Cet arbre que j’aimais n’a plus beaucoup de temps.
Son tronc est plissé comme un beau centenaire
Et ses racines ont bu toute l’eau des saisons
Il n’a pour seul ami qu’un grillon solitaire
Et des oiseaux ravis pour unique passion.
Des chuchotis s’animent au bout de ses branches
Et le vent hurlant de par la brande pleure
L’été s’en est allé et son âme s’épanche
Sur quelques graffitis bien connus des flâneurs.
Et son corps va mourir aux franges du destin
Les heures du cadran sont désormais comptées
Il partira sans but dans le morne matin
Et je serai présent pour l’écouter pleurer.
Stephen BLANCHARD
DIJON - aeropageblanchard@gmail.com
Songes d'automne
Lorsque le temps rongé par la rouille d’automne
Déploie ses larges bras aux filets de ses ans
La lumière s’émeut et les vents frissonnent
Aux souffles qui se livrent sous les ors du Levant.
Le brouillard s’interroge à conte jour du temps
Par les routes mordorées que le soleil enflamme
Et l’arbre à demi nu épouse nonchalamment
Les caresses alanguies des brumes qui se pâment.
L’azur emmitouflé à l’âme d’un funambule
Les nuages dans la brise moutonnent à l’infini
Et le matin ondoie lorsque le jour s’enrhume
Sur des près insouciants aux senteurs assouvies.
Les ombres s’entrecroisent aux lèvres du silence
Et les bancs des amants sont désormais jaunis
Les rameaux se défeuillent au rythme des errances
Car l’automne en secret brode ses songeries.
Stephen BLANCHARD
DIJON - aeropageblanchard@gmail.com